Des éléments de l'ouïe absolue.

Originally published in Acta Laryngologica, 14, 382-92, 1930.

Dr. C.L. Chiloff
Travaux de la clinique des maladies des oreilles, de la gorge et du nez
du professeur Woyatschek à l'académie militaire de médecine de Leningrade.

L'ouïe absolue est une des composantes de l'ouïe musicale: aussi est-il nécéssaire, avant de considérer cette faculté en particulier, de dire brièvement ce qu'est l'oreille musicale en général.

On distingue troisformes d'ouïe musicale: la forme externe, la forme interne et la forme mixte. Sous le nom de forme externe nous entendons la faculté de receptivité des sons extérieurs et d'élaboration de l'union de ces sons, créant ainsi un état psychique particulier que l'on appelle jouissance musicale. La forme interne de l'oreille musicale est une faculté particulière de composition, de création, de conception de telles ou telles images musicales exprimées par des sons, mais sans la participation d'un excitant sonore éxtérieur. L'oreille musicale interne est une fonction du système nerveux central et n'est pas, chez l'homme adulte, en dépendance de l'appareil auditif périphérique. C'est ce qui explique la possibilité de conserver sa faculté de composition chez un homme atteint de surdité (nous citerons, comme exemple, l'œuvre créatrice de la deuxième moitié de la vie de Beethoven). Enfin, la forme mixte de l'oreille musicale comprend l'ensemble de l'oreille musicale externe et interne. Dans cette forme l'oreille musicale externe sert de stimulant du développement de l'ouïe interne.

L'oreille musicale interne indispensable à la création musicale est incapable de se former d'elle-même, sans la participation de l'ouïe ordinaire; elle est, certainement, basée sur une connaissance des sons en général. La preuve en est dans ce fait qu'il ne peut y avoir de compositeur parmi les sourds-muets innés, c'est-à-dire parmi des individus qui ne peuvent pas se représenter ce que c'est qu'un son. Il est clair que pour le développement de l'ouïe musicale interne il est indispensable d'avoir une préparation préalable »grosso modo» consistant dans la réception des sons éxtérieurs; les réminiscences de ces sons s'accumulent dans les centres et servent de base au développement de l'imagination musicale.

Quant aux deux autres formes d'oreille musicale, c'est-à-dire l'ouïe externe et l'ouïe mixte, elles sont créées, à leur tour, par toute une série de composantes divisées en deux catégories: composantes élémentaires et complexes.

Dans la catégorie des composantes élémentaires rentre la faculté de déterminer les rapports de hauteur des sons (intervalles), l'intensité du son, les consonances et les dissonances, et, enfin, la faculté de déterminer la hauteur absolue d'un son (sans avoir recours à la comparaison du son donné avec un son connu auparavant): c'est précisément ce qu'il est convenu d'appeler l'ouïe absolue. La catégorie des composantes complexes comprend les facultés suivantes: celle de distinguer les accords et les tonalités; celle de la répétition et de la mémoire de fragments musicaux, voire d'ouvrages musicaux entiers; celle d'inventer des nouvelles combinaisons de sons; la possession du sens du coloris du son, des nuances et de la phrase.

Parmi cette longue énumération de composantes élémentaires et complexes, il en est une à laquelle l'otiatrie s'est, jusqu'à ce jour, fort peu intéressée: c'est la faculté de déterminer la hauteur absolue du son, c'est-à-dire la possession d'une oreille absolue. Nous ne sommes pas en état de fournir d'explications concluantes de cette faculté; nous ne pouvons q'indiquer à l'aide d'éxpériences »ad hoc» quelques-uns de ses détails. Rappelons-nous la théorie de l'audition par résonnement de He1mho1tz. Un son d'une hauteur définie atteint la membrane basilaire et ébranle une »corde» donnée, ce qui amène l'irritation de la terminaison nerveuse de l'organe de Corti; cette irritation est transmise par le nerf auditif à une section donnée du lobe temporal du cerveau. S'il se produit plusieurs sons simultanément, ces derniers ébranleront différentes cordes et, alors, des irritations correspondantes se transmettront à différentes sections du lobe temporal. On suppose que lorsque les tons sont bas, la membrane basilaire résonne dans les tours de spire du sommet du limaçon où les »cords» sont longues, épaisses et faiblement tendues, tandis que, lorsque les sons sont hauts, elle résonne dans le tour de spire de la base du limaçon où les »cordes» sont courtes, minces et fortement tendues. Dans le lobe temporal du cerveau (dans les centres de notre faculté auditive) des sons de hauteur différente ont évidemment également des champs divers d'action; ainsi, selon certains auteurs, dans la seconde circonvolution temporale se trouvent les centres pour les tons allant de »e» jusqu'à »A», et, plus bas, dans les sections temporales de la troisième circonvolution sont les centres pour les tons de »e» jusqu'à »c3», et, enfin, dans la moitié postérieure de la quatrième circonvolution sont localisés les tons de »c3» et au-dessus. D'après ces théories on doit admettre l'existence d'échelles tonales particulières dans les organes périphérique et central de l'ouïe. Si c'était juste on pourrait, suivant ces postulats, théoriquement parlant, s'imaginer au premier abord qu'un son de n'importe quelle hauteur devrait provoquer chez chaque individu une réaction dans un point donné de l'appareil auditif periphérique ainsi que dans l'appareil auditif central et que, par conséquent, chacun devrait être capable de déterminer la hauteur du son, c'est-à-dire posséder une oreille absolue. Nous savons, pourtant, qu'en réalité cette faculté est une exception assez rare. Il n'y a, en effet, que fort peu de personnes pouvant définir du premier coup des tons isolés, mais il est impossible, même chez ces personnes, d'expliquer la nature de l'ouïe absolue par la théorie de Helmholtz seule car même en admettant que chaque son est enregistré par notre appareil auditif, il est encore nécessaire que le sujet soit en état d'exprimer sa sensation; pour celà faire, il doit comparer le son donné avec un son standartisé quelconque parmi ceux qu'il a entendus auparavant.

Afin d'illustrer notre pensée nous présentons cidessous le résultat de nos éxpériences sur des musiciens possédant, à les croire, une oreille, absolue. Nos recherches ont été éxécutées à l'aide du diapason »Bezold-Edelmann» sur des tons purs: le sujet était requis de nommer immédiatement la note représentant le son du diapason:

Tableau 1.

Personnes disant être douées d'une oreille absolue.

Nombre de sujets

14

Système de recherches Résultats
Tons dits purs Diapsons Bezold-Edelmann sans fautes Fautes (moyenne arithmétique d'une série d'éxpériences)
  de 0 ton à 1 ton de 1 ton à 2 tons de 2 tons à 3 tons plus de 3 tons
4 sujets 6 sujets 2 sujets 2 sujets

Ce tableau nous montre qu'aucun des sujets sur lesquels ont porté nos recherches n'a nommé la hauteur de son de façon tout-à-fait juste. Les moyennes arithmétiques des erreurs dans ]es séries d'éxpériences que nous avons faites sur ces personnes atteignaient ½ ton, de 1 à 2 tons, 3 tons et même plus. Il va de soi que les mêmes recherches éxécutées sur des musiciens ne possédant pas, d'après leur propre aveu, une oreille absolue ont donné des résultats encore plus démonstratifs dans le sens de l'absence de cette faculté.

Tableau 2.

Personnes ne prétendant pas posséder une ouïe absolue.

Nombre de sujets

59

Système de recherches Résultats
Tons dits purs Diapsons Bezold-Edelmann sans fautes Fautes (moyenne arithmétique d'une série d'éxpériences)
  de 0 ton à 1 ton de 1 ton à 2 tons de 2 tons à 3 tons plus de 3 tons
3 sujets 6 sujets 14 sujets 36 sujets

Ces personnes ont fait, et assez souvent, des erreurs encore plus grossières; il est arrivé même qu'elles se trompaient d'octave, chose que nous n'eûmes pas à observer chez les personnes douées d'une oreille absolue. Les résultats de nos éxpériences montrent ainsi que l'absolu de l'ouïe humaine doit être regardé comme une chose relative, comme une faculté de deviner plus ou moins justement la hauteur des tons simples. Théoriquement parlant nous devrions obtenir chez les personnes douées d'une oreille absolue des indications absolument justes, car un son pur ébranlant une seule »corde» devrait provoquer l'irritation d'un seul centre. Ce n'est pas ce que nous avons constaté. Il n'y a pas, apparemment, dans notre cerveau d'échelle prête à mesurer la hauteur du son; le cerveau n'est pas doué de la conception des tons purs d'une hauteur, disons, de 200, 500, etc . . . oscillations par seconde; les suppositions théoriques énoncées plus haut sont insuffisantes pour l'explication de la nature de l'ouïe absolue. D'autres facteurs sont nécéssaires pour ceci. Ces facteurs sont aisément mis en lumière par l'éxpérimentation sur l'ouïe absolue chez des musiciens a l'aide de sons complexes formés, comme on le sait, d'un ton pur fondamental plus toute une série de sons harmoniques. Nous avons éxécuté nos recherches à l'aide de sons complexes sur les mêmes personnes (douées et non douées d'une oreille absolue) et d'après le même schéma. Les sons étaient émis par l'instrument connu sons le nom d'harmonica d'Urbantschitsch. Les personnes étaient requises de désigner la hauteur du son servant à l'éxpérience.

Tableau 3.

Personnes prétendant d'être douées d'une oreille absolue.

Nombre de sujets

14

Système de recherches Résultats
Tons complexes (Harmonica d'Urbantschitch) sans fautes Fautes (moyenne arithmétique d'une série d'éxpériences)
8 sujets de 0 ton à 1 ton de 1 ton à 2 tons de 2 tons à 3 tons plus de 3 tons
3 sujets 2 sujets 1 sujets  

Tableau 4.

Personnes ne possédant pas d'oreille absolue (de façon certaine).

Nombre de sujets

59

Système de recherches Résultats
Tons complexes (Harmonica d'Urbantschitch) sans fautes Fautes (moyenne arithmétique d'une série d'éxpériences)
5 sujets de 0 ton à 1 ton de 1 ton à 2 tons de 2 tons à 3 tons plus de 3 tons
8 sujets 12 sujets 18 sujets 16 sujets

On voit, d'après ces tableaux, que les personnes douées d'une oreille absolue déterminent fréquemment de façon tout à fait précise la hauteur d'un son complexe; même des personnes qui ne sont pas douées d'une oreille absolue sont parfois capables de le faire.

En comparant les résultats des éxpériences sur les sons purs avec les éxpériences à sons complexes nous verrons la possibilité de découvrir un des nouveaux facteurs déterminant la nature de l'ouïe absolue. Nous avons déjà dit qu'un son complexe se compose d'un son fondamental plus toute une série de tons harmoniques. Ce sont précisément ces tons harmoniques qui, comme nous le pensons, sont un des éléments de l'ouïe absolue. D'après la théorie de He1mho1tz, si nous entendons un son complexe bas, son ton fondamental vient se placer dans le tour de spire terminal du limaçon tandis que les tons harmoniques de ce son se disposent dans les autres tours de spire, de sorte que le ton harmonique le plus haut se trouvera dans une partie du tour de spire de la base du limaçon. Si le son est haut, le ton fondamental viendra se placer dans le tour de spire de la base et il ne restera plus de place dans le limaçon pour ses harmoniques: ils sont en dehors de limites de notre appareil résonnateur périphérique. Il se produit comme un raccourcissement des harmoniques, et des sons de hauteur différente parviendront à nos centres dépourvus de quelques harmoniques (définis pour chaque son) et, comme ce sont ces harmoniques qui déterminent notre conception du timbre, nous sommes en droit de dire qu'un son complexe de hauteur différente possède un timbre qui est caractéristique de sa hauteur.

Nos éxpériences ont montré que les harmoniques sont un des éléments de l'ouïe absolue; aussi pouvons nous dire à présent que l'ouïe absolue permettant de distinguer des sons complexes dépend de la faculté de détermination du timbre de sons de hauteur différente.

C'est pour celà que nos sujets (tableau 4) donnaient des indications plus précises pendant les éxpériences avec l'harmonica qui possède un son d'harmoniques et un timbre, et, au contraire, étaient incapables de déterminer les hauteurs d'un son pur, son dénue d'harmoniques ainsi que de timbre.

Les tons purs émis par les diapasons Bezold-Edelmann ne ressemblant guère aux sons auxquels nous sommes accoutumés d'ordinaire. Il n'existe pas d'instrument de musique qui donne des sons tout-à-fait purs, c'est-à-dire sans harmoniques. Notre organe auditif se trouve dans la sphère d'activité de son complexes ou, plutôt, notre oreille s'habitue à des tons »erronés», car le son de chaque instrument (même lorsqu'il s'agit d'instruments désignés par une même appellation (de deux violons, par exemple) donne une sinusoïde spécifique, complexe, un timbre spécifique. En jouant de son instrument le musicien s'habitue à son timbre, et si le timbre est une des conditions indispensables de l'ouïe absolue, on peut dire qu'un pianiste doué d'une oreille absolue ne peut déterminer que la hauteur du son de son piano à lui, il en est de même pour un violoniste à l'égard de son violon, etc... Un pianiste soumis à des éxpériences servant à établir son ouïe absolue devra forcément tomber dans l'erreur si l'on éxpérimente à l'aide d'un violon ou de quelqu'autre instrument. Et, ce qui plus est, c'est que si son piano est désaccordé d'un ½ ton ou d'¼ de ton et si l'éxpérience a lieu au moyen d'un piano, accordé, lui, tout à fait justement, il se produira toujours des erreurs inévitables, alors que ce pianiste donnera des indications absolument précises de hauteur de ton quand on se servira de son piano.

Nous avons obtenu des indications de hauteur de ton relativement justes à l'aide de l'harmonica d'Urbantschitch durant nos éxpériences; ceci s'explique par le timbre de cet instrument qui se rapproche du timbre des instruments de musique auxquels sont accoutumés les sujets, instruments sans lesquels on ne saurait se représenter la nature des éxpériences sur l'ouïe absolue. »L'idée sur l'influence que le timbre du son exerce sur l'ouïe humaine absolue a été déjà exprimée depuis longtemps. v. Kries mentionne plusieurs musiciens allemands, qui posédaient la propriété de determiner exactement la hauteur des sons, pourtant ils ne pouvaient faire cela qu'avec certains instruments, par exemple le violon ou le piano etc. Il en résulte de ses recherches, aussi que des nôtres, que chez l'homme cette propriété dépend du timbre des sons.» Il y a encore un facteur qui détermine l'essence de l'oreille absolue: c'est la »standartisation» du son. Pour donner une compréhension aisée de ce terme, nous aurons recours à une analogie.

Quand nous disons d'une couleur qu'elle est rouge, nous ne voulons pas dire par là qu'elle correspond à telle raie du spectre de Frauenhoffer: ceci n'est à la portée que des personnes compétentes qui ont vu comment se décompose la lumière ou bien ont une idée générale sur ce sujet. Qu'entend donc par là la majorité des gens pour lesquels cette partie de la physique est inconnue? Il est évident que la dénomination de ces couleurs nous est inculquée dès l'enfance et qu'elle correspond aux couleurs des objets qui nous entourent. Les dénominations des couleurs se fixent ordinairement dans notre mémoire par leur relation avec la coloration de différents objets très-répandus: la couleur verte, sera pour nous, par exemple, la couleur de l'herbe-- des feuilles; la couleur bleu-- ciel est bien celle du ciel lui-même et la couleur rose-celle de la fleur de ce nom. Si nous n'avions jamais entendu nommer la couleur de ces objets servant d'étalon, nous les désignerions par déscription. Prenons un exemple: dans les provinces perdues de l'extrême-- nord de l'U.R.S.S. le mot »rose» n'existe pas parce que les habitants de l'extrême-nord n'ont jamais vu la fleur du rosier et ils qualifient une robe d'étoffe rose de »rougeâtre». En dehors des couleurs fondamentales, des couleurs servant d'étalon, il y a une foule de nuances de couleurs; nous avons le bleu-de mer, le bleu-ciel et le bleu-d'azur; le jaune d'ochre et le jaune gomme-gutte, etc . . . L'homme posséde une mémoire bien développée des couleurs fondamentales, des couleurs servant d'étalon, mais il se souvient des nuances avec beaucoup plus de difficulté. Ayant les yeux fermés, sans voir la coloration d'un objet, on peut se figurer clairement le rouge, le bleu, le vert et d'autres couleurs servant d'étalon, ou, comme on les désigne, des zônes de couleurs. C'est exactement la même chose que l'on observe dans l'échelle des tons des sons. Les nuances innombrables des sons peuvent être systématisées, de même que les nuances des couleurs, en zônes particulières; ces dernières, à leur tour, en territoires de sons standartisés et en territoires non standartisés. L'homme a la mémoire des couleurs standartisées; il a, de même, une faculté assez développée de se souvenir des territoires de sons standartisés. Nous pouvons assez facilement, sans l'aide d'un excitant sonore étranger, nous représenter une voix humaine de basse, un soprano, le son perçant de quelque instrument de musique, les sons retentissants du tonnerre les plus bas, mais il est difficile de reproduire dans son imagination les menues composantes de ces zônes-- des tons isolés, par exemple.

Si personne ne nous avait dit auparavant que tel son s'appelle un son haut et tel autre-- un son bas, le terme »hauteur de son», n'existerait pas. Tous les individus sont doués jusqu'à un certain point de la faculté de déterminer la hauteur d'un son mais, chez les uns, cette faculté est à l'état embryonnaire, c'est-à-dire qu'ils peuvent determiner la hauteur dans des limites grossières, dire, par exemple, que tel son, d'une manière générale, est haut et tel autre-bas; d'autres personnes possèdent une faculté de détermination de la hauteur du son plus accentuée et sont capables, elles, de désigner approximativement la hauteur avec une précision de 1-3 tons de l'échelle musicale. Cette capacité des musiciens peut être innée chez eux ou bien elle est élaborée artificiellement de telle façon qu'ils pourront avoir non-seulement la mémoire des territoires standartisés, mais aussi celle des tons isolés. Pour certains musiciens ces tons sont des étalons aussi bien déterminés que les zônes de couleurs ou de sons. Prenons un exemple: le son »a» (»la») est, pour, les musiciens d'orchestre, le ton servant d'étalon: il est bien fixé dans leur mémoire. Il n'est pas intéréssant pour nous de savoir s'ils sont capables de fixer dans leur mémoire rien que ce son »a» (»la») ou bien tous les sons de la gamme également, car ici intervient une autre faculté de l'ouïe: la sensibilité aux intervalles. Grâce à cette seconde détermination les personnes ayant quelque instruction musicale peuvent sans difficulté désigner la hauteur de n'importe quel ton, en partant du son »a» (»la») servant d'étalon. La détermination de la hauteur du ton standartisé est basée, ainsi que nous venons de le dire, sur la mémoire; mais, quand il s'agit de faire des recherches au sujet de la faculté d'ouïe absolue, il est indispensable de tenir compte de ce nouveau facteur. Comment se représenter, de façon concrète, la mémoire des tons? Prenons, comme sujet d'éxpériences, un musicien passable; donnons lui un ton et demandons lui de chanter cette note après un laps de temps variant d'une demi-minute à trois minutes; il aura conservé, tout frais le souvenir de ce son et l'éxpérience réussit, sans erreur de leur part, chez tous les sujets; mais si on vient leur demander de répéter cette même note après vingt minutes écoulées, le sonvenir de ce ton commencera à s'évanouir de leur mémoire, et les sujets se tromperont fréquemment; si le sujet chante juste cette note une heure après, ou même deux heures, trois heures, après etc... on pourra dire qu'il posséde une mémoire accomplie, et, si, sans avoir la possibilité de contrôler la hauteur du ton proposé, il est tout de même en état de reproduire exactement le ton servant d'éxpérience, un ou deux jours plus tard, c'est qu'il jouit d'une mémoire idéale. Afin de nous rendre compte si de telles personnes existent, nous avons éxécuté les éxpériences suivantes: elles ont porté sur ces mêmes groupes de personnes à oreille absolue et sans oreille absolue. Les tableaux 5 et 6 présentent les résultats d'une de ces éxpériences.

Tableau 5.

Expérience sur l'oreille absolue

Expériences sur la mémoire des tons

Son servant à l'éxpérience

Indication du sujet Son en expérience Réproduction du son par le sujet en éxpérience après:
2 min +5 min +5 min +10 min +15 min +20 min +25 min

h (son pur)

C1 h (son pur) h h h h a g  
a (son complexe) a g (son complexe) g g g g g g g

Tableau 6.

Expérience sur l'oreille absolue

Expériences sur la mémoire des tons

Son servant à l'éxpérience

Indication du sujet Son en expérience Réproduction du son par le sujet en éxpérience après:
2 min +5 min +5 min +10 min +15 min +20 min +25 min

g (son pur)

c c (son pur) c c e d c f  
h (son complexe) a g (son complexe) g g g f a h a

Nous voyons que la mémoire des sons est directement proportionnelle à la faculté de détermination de la hauteur de ton. Ces tableaux montrent que les personnes ayant une oreille absolue conservent pendant longtemps dans leur mémoire le son servant d'éxpérience, et qu'au contraire, les personnes sans oreille absolue l'oublient très-vite.

Ainsi, il y en a trois facteurs qui sont les éléments indispensables pour la détermination de la nature de l'ouïe absolue; ce sont: la détermination du timbre, le ton standartisé et la mémoire des sons. Nous avons remarqué que ces trois facteurs, doivent être reliés entre eux; si l'un d'eux venait à faire défaut, celà pourrait compromettre la faculté de la détermination absolue du son.


Littérature.

W. Roudkoff. Journal des maladies des oreilles, du nez et de la gorge (Journal russe.) N:o 11-12. 1925.

W. Woyatschek. Journal des maladies des oreilles, du nez et de la gorge. (Journal russe.) vol. 4 NN. 9-10. 1927.

Larionow. Des centres auditifs de l'écorce du cerveau. Dissertation 1898.

Helmholtz. Théorie physiologique de la musique fondée sur étude des sensations auditives.

Maïkapar. »L'oreille musicale». Léningrade 1915.

Kries, J. v. Ûber das absolute Gehör. Zeitschrift für Psychologie u. Physiologie der Sinnesorgane. Bd. III. H. 1. S. 257-279. 1892.